mardi 4 janvier 2011

Prescrire, Médiator et industrie pharmaceutique

Aujourd'hui c'est un coup de projecteur que je vous propose.
Ce coup de projecteur bénéficiera (je l'espère) au magazine Prescrire, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps avec le scandale du Mediator.

Il existe un petit village gaulois au sein des revues médicales de notre pays. C'est un magazine qui ne compte aucune pub pour des médicaments, il ne bénéficie d'aucun financement des laboratoires pharmaceutiques et aucun de ses membres n'a de conflit d'intérêt avec l'industrie.

Le sympathique mensuel est donc uniquement financé par les abonnés. L'abonnement est un poil plus cher que les autres... Mais l'indépendance est à ce prix.




Autant vous le dire, ces mecs là sont couillus. D'autant plus, qu'à mon avis, ils doivent supporter d'énormes pressions de la part des laboratoires, et qu'ils n'hésitent pas à énoncer clairement la vérité sur ces "nouveautés" dont nous bassinent tous les jours l'industrie pharmaceutique.

J'ai subi quelques pressions de l'industrie culturelle, qui se limitaient à des menaces professionnelles et de dépôts de plainte... Je me suis laissé entendre que Pascal Nègre m'avait sympathiquement qualifié de "fils de pute" ... Mais rien de bien méchant.
Le lobby de l'industrie pharmaceutique est bien plus dangereux, car beaucoup plus d'argent est en jeu. Je n'ose imaginer leur puissance.

Arrêtons-nous une seconde et réfléchissons au pouvoir qui serait le nôtre si nous pouvions soigner 80% des maladies connues... Imaginez même que nous pourrions empêcher ces maladies, via des vaccins par exemple. Nous serions Dieu.
Je parlais dans un récent billet de la richesse que génère le secret pour nos dirigeants, de la capacité du secret à avantager les êtres humains dans les relations de pouvoir... Les brevets sur les trouvailles pharmaceutiques sont ces secrets, et ces brevets valent bien plus les cables diplomatiques américains.

Le lobby est si puissant qu'il peut organiser d'immenses campagnes de tests sur des êtres humains, dans les pays défavorisés. Ils contrôlent nos Etats, ceux du Sud comme ceux du Nord.
Pour exemple, ils donnent à une population ultra-défavorisée un vaccin contre une maladie grave en échange de sa participation à un test pour un médicament. Les effets secondaires de ces tests peuvent être catastrophiques. Mais les autorités locales, nationales et internationales sont tellement corrompues par les laboratoires qu'elles ne bougent pas le petit doigt.
Je vous invite à quelques lectures à ce sujet comme La constance du jardinier du John le Carré ou encore Cobayes Humains de Sonia Shah.



Et la France dans tout ça ?
La France est pour les laboratoires, le marché le plus attractif au monde.

Commençons par la corruption qui règne parmi nos élites médicales, celles que vous voyez à la télévision ou que vous entendez à la radio, nous annonçant ces risques de "pandémies" à tout bout de champ. 
Ces élites qui critiquent le pouvoir en place dès lors qu'il ne va pas dans le sens de l'industrie pharmaceutique et distribue les bons points dès que Roselyne Bachelot commande un nombre extravaguant de vaccins anti grippe A...
Ces professeurs de médecine, ces économistes de la santé, pourris par le conflit d'intérêt jusqu'à la moelle, dont les laboratoires s'offrent les discours et la notoriété en échange de quelques week-end en Relais et Châteaux, et de quelques formations à l'Ile Maurice, où "toute la famille est conviée", comprenez "invitée".
Ce sont encore ces éminences grises qui décident des fameuses AMM, les Autorisations de Mise sur le Marché de nos médicaments.
On demande bien sur aux membres de l'AFSSAPS de déclarer leurs conflits d'intérêts, mais ils en ont tous ! Alors, on prend ceux "qui en ont le moins"... Il n'y a presque pas d'experts médicaux non corrompus dans notre pays.



Ensuite vient ce qui intéresse le plus l'industrie dans notre spécificité française : la décision du taux de remboursement.
Accrochez-vous bien. Ce taux de remboursement est officiellement fixé en fonction de l'intérêt du médicament, de son SMR, le Service Médical Rendu. 
Et l'autorité chargée d'évaluer ce SMR se fonde sur... Des études fournies par les laboratoires pharmaceutiques ! Comment cette autorité peut-elle alors évaluer indépendamment le SMR d'un médicament ? Elle ne le peut pas, elle est pieds et poings liés par les laboratoires pharmaceutiques.
La chose la plus folle, c'est que c'est l'assurance maladie qui va rembourser ces médicaments, elle qu'elle n'a presque pas son mot à dire dans ces processus.

Vous ne me croyez pas ? Vous pensez que le tableau est trop sombre pour être vrai ?

Alors posez-vous la question... Pourquoi le scandale du Mediator ? Et surtout "Comment ?"...
Tout d'abord parce que le laboratoire Servier, fabriquant du Mediator, est français. Et en France, on soutient notre industrie. On la soutient tellement que lorsque des signaux sont envoyés, prouvant la dangerosité d'un médicament, on ne le retire pas de la vente.

Seuls quelques experts, dont la revue Prescrire, ont alerté les autorités. Mais les autorités ont toutes des conflits d'intérêts avec les laboratoires.
Les secrétaires de la Hautes Autorité de Santé recevaient encore, il y a peu, pour Noël, des caisses remplies de bouteilles de Champagne de la part des laboratoires. Imaginez ce que recevaient les dirigeants ?



J'ai souvent feuilleté Prescrire ces dernières années, et il reste encore des dizaines de médicaments qui sont qualifiés de "dangereux", comme l'était le Mediator et d'autres médicaments dont Servier fut l'auteur.
Je ne compte même pas ces médicaments détournés de leur objet initial par les laboratoires... 
Exemple : 
Vous êtes un laboratoire pharmaceutique, vous sortez en 1990 un médicament contre le cancer... En 2000, votre médicament ne vaut plus rien, car de nouveaux traitements sont sortis.
Qu'à cela ne tienne, vous financez une étude démontrant que votre médicament est efficace contre la sclérose en plaques... Et c'est reparti pour un tour !

Nouvelle boîte, nouvelle utilité, même molécule...
Le seul investissement pour vous, c'est l'énorme campagne de communication auprès des malades de la sclérose en plaques pour qu'ils essayent ce "nouveau traitement". 
On notera également qu'il vous faudra "convaincre" les associations de malades, qui iront hurler en cœur sous les fenêtres du ministère de la santé que ce serait "totalement inhumain de refuser de rembourser ce nouveau traitement" à nos malades...
A cela vous ajoutez un ou deux voyages familiaux à des destinations tropicales pour quelques professeurs de médecine en mal de vacances. Pendant ce séjour, vous organiserez des conférences afin de présenter votre "faux-nouveau produit miracle contre la sclérose en plaques"...
A leur retour de vacances, ces experts ne manqueront pas de publier un papier dans une revue médicale (que vous financez par la publicité). Ce papier prônera évidemment l'utilité de votre nouveau médicament dans la lutte contre la sclérose en plaques.
Ajoutez à cela les principes de corruption exposés plus haut dans ce billet...
A terme vous aurez votre AMM, votre remboursement à 100%, pour traiter la sclérose en plaque avec un médicament contre le cancer, âgé de 10 ans...
Bienvenue dans le monde merveilleux de la bonne santé !

2 commentaires:

  1. C'est un exemple réel à la fin ? On peut avoir le nom ? ^^

    RépondreSupprimer
  2. C'est un exemple proche de ce qui se fait en ce moment, avec le Campath par exemple

    RépondreSupprimer